Accueil › Le coin des auteurs


« -Robert ?
-Présent !
-Tout le monde est là ?
-Non m’sieur, l’Unijambiste doit encore être en retard… » Un bruit sourd et grinçant précéda l’ouverture de la porte :
 « -hé… Excusez-moi de…de mon retard monsieur.
-Bonjour Thibaut. Je t’ai déjà dit de partir plus tôt pour ne plus être en retard ! Va t’installer. Moi, de mon côté, je vais enregistrer l’appel à la date d’aujourd’hui… 3 Novembre 2017… 3eF… Voilà ! »
Thibaut était un enfant handicapé, il avait perdu une jambe lors d’un accident de voiture. Il vivait depuis ce jour dans la moquerie, la honte et à l’écart des autres. Mais cependant, il aimait étudier et était le premier de sa classe.
« Robert ! Je t’ai déjà dit, à toi aussi, de ne plus l’appeler « Unijambiste », c’est méchant et discriminant pour Thibaut. On dirait que l’on ne t’a jamais éduqué !
-Mais monsieur…
-Non, il n’y a pas de « mais » qui tiennent ! Va dans le bureau de M. Lennemy ! Je vais faire un rapport ! »
En sortant de la salle, Robert dit à Thibaut, d’un air menaçant, qu’il allait lui régler son compte à la récréation. Robert était surnommé « Brutus », personne ne voulait de problèmes avec lui et surtout, il était le fils du principal, M. Leblond.
            A la récréation, Brutus s’approcha de Thibaut avec sa bande. Il avait l’intention de se moquer de lui, d’abord psychologiquement, en l’insultant, puis physiquement, comme il en avait l’habitude.
            Alors que Robert frappait Thibaut, il sentit, pour la première fois de sa vie, une pression sur sa joue. Sa bande n’avait pu le protéger de Jean, qui venait de lui donner la première claque de sa vie.
Robert était très secoué. Il se remettait à peine de cet évènement lorsqu’il aperçut son père, M. Leblond, saisir le bras de Jean et le traîner dans son bureau.
 
            Après de longues minutes, Jean ressortit du bureau, dépité car il s’était pris plusieurs heures de colle et ses parents allaient être convoqués chez le directeur. A sa sortie, Thibaut vint le voir :il le remercia et lui expliqua qu’il n’osait même pas imaginer ce qu’il serait devenu s’il n’était pas intervenu.
« -Ne t’inquiète pas. Je n’en pouvais plus de les voir te harceler comme ça. La claque est partie toute seule ! Et puis, on peut dire que je ne porte pas vraiment Robert dans mon cœur. Mais maintenant, il faut que tu ailles le dire à un adulte.
-Non ! Surtout pas ! Robert m’a dit que si je le dénonçais, il mettrait tout en œuvre pour que je me fasse exclure du collège et qu’il remplirait à sa manière mon dossier scolaire…
-Alors je le ferai  moi-même.
-Non ! Surtout pas !
-Bah, dis-le à tes parents alors. »
Thibaut répondit que oui, il le dirait à ses parents le soir-même.
Le lendemain, comme d’habitude, Thibaut arriva en retard, sous le jet de quelques boulettes de papier et des insultes venant toujours de la bande à Robert. Mais Jean resta avec lui à la récréation, ce qui éloigna le groupe de harceleurs.
« Bon alors, tu l’as dit ?
-Euuh… Pour tout te dire… Pas vraiment…
-QUOI ?! Tu m’avais dit que tu le dirais ! Tu sais ce que deviennent les trois quarts des adolescents harcelés ?
-Euuh…
-MORTS !!! Oui MORTS ! Ils se suicident !
-Mais, je n’ai aucune intention de suicide…
-Oui, pour le moment, je pense, mais si tu ne le dis pas, ils vont continuer de plus en plus fort, violement et , je peux te dire que ça te fera changer d’avis. Alors tu vas immédiatement le dire à tes parents !!! »
Les élèves repartirent en cours et la journée se finit comme d’habitude. Mais ce soir-là, le bus de Robert n’était pas là et il du appeler son père… Son père arriva et ils repartirent chez eux, pas loin de Paris, mais ce soir-là, le temps était pluvieux et le brouillard s’installa, et bientôt, ils ne pouvaient plus apercevoir les phares brouillés par le mauvais temps. Alors qu’ils roulaient sur une petite route de campagne, un bruit sourd de freins se fit entendre, tout comme les cris de détresse avant l’impact. Une voiture qui venait de l’autre côté perdit le contrôle du véhicule et bascula sur l’autre voie. Les secours, qui avaient été appelés on ne sait comment, étaient parvenus sur le lieu du drame.
Le bilan était très lourd : le père de Robert avait perdu son bras droit en le brisant sur la portière, puis se l’était fait découper par les morceaux brisés de la vitre, tandis que Robert s’était brisé la colonne vertébrale et avait perdu l’usage de ses deux jambes. Dans l’autre voiture, Georges, le meilleur ami de Robert, avait perdu son œil gauche, sa mère avait perdu la vie et son père avait une blessure profonde, pas loin de cœur, et était entre la vie et la mort.
 
            Deux semaines après cet incident, Thibaut avait réussi à se faire plein d’amis. Ce revirement était dû au fait que Robert ne les incitait plus à se moquer de lui. Il avait tout dit à ses parents, qui étaient venus en parler avec M. Lennemy et M. Koohau, et il ne se faisait plus taper.
 
            Quelque temps plus tard, M. Leblond, qui avait perdu un bras, reprit la tête du collège, et son fils revint également, en fauteuil roulant, car il ne pouvait plus se servir de ses jambes. Il avait raté les exercices du brevet blanc et avait perdu tous ses amis, même Georges l’avait abandonné :
« -S***** ! Ma mère est morte à cause de toi ! Mon père est entre la vie et la mort, en quasi mort cérébrale et moi, j’ai perdu un œil ! Si je deviens orphelin, je te jure que je te fais manger tes bras ! Et je ne sais pas ce qui me retient de te faire manger tes jambes maintenant !
-Mais, écoute…
-Non ! Tu peux ne plus compter sur moi comme ami ! Adieu ! »
Pierre le regarda partir, la mine sombre et triste, lorsque Thibaut vint le voir :
« Salut Brutus, c’est pas cool ce qui t’es arrivé, mais au moins, ça va peut-être ouvrir tes yeux, car ce que tu vas sans aucun doute endurer, c’est toi qui me l’as fait endurer. En tout cas, le brevet débute dans trois jours, je te conseille de te préparer. Salut ! « Two broken legs » ! »
 
Après le brevet, lorsque les élèves surent leurs résultats, ils s’amusèrent à les comparer :
« J’ai eu la mention très bien avec 789 sur 800 !
-Et moi, dit Jean, j’ai eu la mention bien avec 596 points !
-Moi aussi ! dit Georges, mention bien ! 607 points !
-Et toi Robert ?
-J’ai… J’ai pas eu mon brevet. Mon père dit que je suis trop faible. Il va me faire redoubler et réorienter en 3e pro…
-QUOI ?! Mais on passe tous, même Thibaut !
-Cet intello ! J’aurais  dû lui régler son compte quand je le pouvais encore.
-N’empêche que lui il passe en 2nd générale. »
            C’est ainsi que Robert resta seul, infirme, sans amis, en 3e pro, car il avait passé sa courte vie à harceler et discriminer les autres au lieu de travailler.
 
 
 
Le fauteuil
 
Par Benjamin LAMY, Lucas Piart: 4e G